Anne Mousse, première fille créole : métissage, peuplement et identité réunionnaise
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Anne Mousse, première fille créole de La Réunion : métissage, peuplement et identité réunionnaise
Introduction
Anne Mousse 🇷🇪 est une figure historique emblématique : la première fille créole née à l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion).
Son histoire, débutée le 10 ou 14 avril 1668 à Saint‑Paul, marque le commencement du peuplement réunionnais, du métissage et de l'identité créole.
Dans cet article , vous découvrirez son parcours, son rôle fondateur, son héritage familial et culturel, ainsi que l’hommage moderne rendu à cette pionnière.
1. Le peuplement de l’île Bourbon et l’arrivée des Malgaches
Le 14 novembre 1663, le navire Saint‑Charles accoste à l’île Bourbon (future La Réunion), avec à son bord deux Français (Louis Payen et Pierre Pau) et dix Malgaches, dont les jeunes femmes Marie Caze (ou Case), Anne Caze et Marguerite Caze.
Ces dix personnes forment la base du peuplement initial, en tant que serviteurs de la Compagnie française des Indes orientales.
Marie Caze épouse Jean Mousse, un Malgache de la même expédition, et devient mère de la première enfant née sur le sol réunionnais : Anne Mousse, née en avril 1668.
Elle est ainsi la troisième personne née sur l’île, mais la première fille, d'où son statut de « grand‑mère des Réunionnais ».
2. Anne Mousse : naissance, famille et métissage
2.1. Mariage inter‑ethnique et descendance
En 1687, à 19 ans, elle épouse Noël Tessier, un colon français originaire de Bretagne, en dépit de l’interdiction des mariages inter‑ethniques imposée depuis 1674.
Ensemble, ils s’installent à Sainte‑Marie, fondent une exploitation agricole et donnent naissance à huit enfants.
Devenue ancêtre d’une importante lignée métissée, Anne Mousse est à l’origine de nombreux patronymes réunionnais tels que Vidot, Maillot, Guichard, Hoareau, Boyer, ou Esparon.
2.2. Édification d’une paroisse et legs social
Après avoir perdu son premier époux en 1721, elle se remarie en 1722 avec Dominique Ferrère.
En 1729, elle initie la construction d’une chapelle dédiée à Sainte‑Anne, qui deviendra plus tard une paroisse complète avec église, presbytère et cimetière, grâce à ses héritiers.
3. Anne Mousse : symbole du métissage et de l’identité créole
Figure fondatrice de La Réunion, elle incarne la première génération créole née sur l’île. À travers son mariage mixte et sa descendance, elle devient une figure de transition historique entre les origines malgaches et africaines des premiers habitants et les nouvelles dynamiques culturelles créoles.
L’historien Prosper Ève la qualifie de « guide, une visionnaire », pour sa capacité à s’élever socialement, spirituellement et familialement malgré les normes coloniales rigides.
4. Hommage contemporain
4.1. Une statue pour une mémoire retrouvée
Le 10 avril 2025, La Réunion rend hommage à cette pionnière avec l’inauguration d’une statue en bronze, à Sainte‑Marie.
Elle la représente enceinte, tenant un ravinala, symbole de ses origines malgaches, et entourée de ses enfants.
Cette œuvre collective a été financée par la commune, la Région Réunion, le Département, l’association CLAP et avec le soutien scientifique de Prosper Ève.
4.2. Des lieux à son nom
Un hommage tardif mais essentiel
En 2015, la commune de Sainte-Marie érige une statue en hommage à Anne Mousse, tout près de l’église où fut célébré son mariage.
Ce monument est plus qu’une reconnaissance symbolique : il s’agit d’un acte de mémoire envers toutes les femmes esclaves, servantes ou libres, qui ont contribué à la naissance de La Réunion.
Aujourd’hui, son nom est cité dans les écoles, dans les musées et les ouvrages historiques qui revalorisent les figures féminines du passé. Elle devient progressivement un emblème de la mémoire réunionnaise, rappelant l’importance de ne pas effacer les parcours de celles qui ont bâti, dans l’ombre, les fondations de la créolité.
Son nom est aujourd’hui porté par :
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Une rue à Sainte‑Marie
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Une école maternelle à Saint‑Gilles
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Une crèche à L’Étang‑Salé
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La médiathèque Anne Mousse à Sainte‑Marie, première en France à être accessible aux non‑voyants
5. Anne Mousse dans la mémoire réunionnaise
Anne Mousse symbolise la créolisation des identités dans l’océan Indien.
Son histoire révèle le poids du métissage, des résistances intimes, et des alliances humaines nées malgré les contraintes du système colonial.
À travers elle, c’est toute une mémoire oubliée qui refait surface : celle des femmes, des mères, des bâtisseuses d’identité dans un monde encore en genèse.
Conclusion – Anne Mousse, matrice oubliée d’une identité créole
Longtemps ignorée par les récits officiels, la figure d’Anne Mousse revient aujourd’hui au premier plan comme un symbole fort : celui de toutes ces femmes effacées des grandes pages de l’histoire, mais qui en ont écrit l’essentiel dans l’ombre. Elle représente ces bâtisseuses anonymes de la société réunionnaise, ces femmes africaines ou malgaches sans lesquelles le peuplement de l’île n’aurait pu se structurer.
Grâce aux travaux rigoureux de l’historien Prosper Ève, sa mémoire est réhabilitée. Il lui rend justice en soulignant le rôle central des femmes de couleur dans les débuts de la colonie, contribuant à redonner leur juste place à ces mères fondatrices au sein du récit national.
Une reconnaissance en marche
L’inauguration de sa statue à Sainte-Marie, les conférences qui lui sont consacrées, ou encore la médiathèque qui porte son nom : autant de signes d’une volonté croissante de reconnaître l’importance de cette femme pionnière.
Ces hommages participent d’un effort collectif pour reconnecter La Réunion avec ses mémoires fondatrices, longtemps passées sous silence.
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